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dimanche 11 décembre 2016

Parution de « Vilnius l'Impériale »



Je vous signale la parution, ce lundi 12 décembre 2016, de « Vilnius l'Impériale », sous-titré « Le destin croisé d'Alexandre 1er et de Napoléon », par Sylvie Lemasson, aux éditions S.P.M. (distribué par L'Harmattan).

Si la campagne de Russie a fait l'objet d'une abondante bibliographie, notamment la tragique retraite, peu ont étudié la spécificité du Grand-duché de Lituanie, qui avait perdu sa souveraineté 17 ans auparavant, dans cette guerre.

J'avais eu l'occasion, il y a quelques temps, de faire une conférence sur le quiproquo qui avait présidé aux relations entre Napoléon 1er et la Lituanie. Les nobles lituaniens voulaient que leur État retrouve son indépendance, avec ou sans la Pologne. Les paysans, eux, voulaient l'abolition du servage. L'Empereur Napoléon voulait, lui, que la Lituanie participe à son effort de guerre. C'est la raison pour laquelle, si les soldats de la Grande Armée ont été accueillis en libérateurs en juin 1812, les derniers survivants sont morts dans l'indifférence en décembre ……

C'est tout l'intérêt de ce livre de nous montrer le rôle particulier du Grand-duché de Lituanie, et notamment de Vilnius, lors de la campagne de Russie.


Maïtre de conférences à l'institut d'Etudes Politiques de Grenoble, Sylvie Lemasson a été Conseiller culturel à l'Ambassade de France à Vilnius, où je l'ai connue, de 2005 à 2008. Elle a bien voulu faire appel à moi afin que j'apporte ma très modeste contribution à son ouvrage.   

Sylvie Lemasson

vendredi 18 novembre 2016

Daudz Laimes Latvija ! Bonne Fête Nationale lettone !


En ce 18 Novembre 2016, la Lettonie fête le 98ème anniversaire de sa déclaration d’indépendance du 18 Novembre 1918.  

Déclaration d'Indépendance de la République de Lettonie, le 18 novembre 1918 au Théâtre National

Au début de la Première Guerre mondiale, les Lettons avaient pris délibérément fait et cause pour l’Empire russe, espérant, grâce à la victoire de celui-ci, se débarrasser des barons baltes et de l’emprise germanique qu’ils enduraient depuis le XIIIe siècle ! Le 23 Juillet 1915, alors que les forces russes étaient en difficulté, les troupes allemandes occupant la Courlande et progressant vers Riga, un oukase du Tsar Nicolas II permettait la création des Régiments de tirailleurs lettons, premières unités autorisées à se battre sous le drapeau de la Lettonie.
 
Mais la révolution russe d’Octobre (Novembre 1917) et l’effondrement militaire de la Russie vint changer la donne. L’Allemagne imposa en effet sa domination militaire sur les États baltes. Une partie des unités de tirailleurs lettons devinrent le fer de lance de l’Armée rouge, nouvellement créée. Par l’armistice du 11 Novembre 1918, les troupes allemandes vaincues seront tenues de ne pas quitter leurs positions sur le front oriental, afin de contrer une éventuelle offensive bolchevique. L’armistice qui marque à l'ouest la fin des hostilités ne signifie pour autant pas l’arrêt des combats sur le front de l’est.

Chars Renault FT-17 à la bataille de Daugavpils (3 janvier 1920)

Il est en effet nécessaire de souligner la multiplicité des forces en présence sur le territoire letton à cette époque, ce qui explique que la situation y soit des plus confuses :
 
# Les bolcheviques, qui prétendaient parler au nom du peuple letton ;
# L’armée nationale lettone, partagée en deux, une partie dans la région de Libau/Liepaja, à côté plus qu’avec les Allemands, et l’autre partie dans le nord de la Lettonie avec les Estoniens ;
# La Baltische Landeswehr, constituée de germano-baltes favorables au Pasteur Needra ;
# Le bataillon de Russes blancs du Prince Anatoly Pavlovitch von Lieven (d’origine livonienne) ;
# L’armée régulière allemande commandée par le Général von der Goltz, et son « faux-nez » les corps francs de l'aventurier aventurier se faisant appeler d’abord Colonel Bermondt, puis Prince Avalov.
 
La République de Lettonie proclamera donc son indépendance le 18 Novembre 1918 à 16H, au Théâtre National de Riga. Mais celle-ci sera théorique car, en dépit de la présence des troupes allemandes, la Lettonie sera presque totalement occupée par l’Armée rouge à la fin Janvier 1919.

En dépit d’une politique française relativement floue, accordant la priorité de son soutien à la Pologne et traînant quelque peu les pieds pour reconnaître l’indépendance des États baltes, des Officiers français vont toutefois avoir une action réellement déterminante lors de la guerre d’indépendance lettone.   


La Commission interalliée du Général Niessel 

Il s’agit du Lieutenant-colonel du Parquet, chef de la Mission Militaire Française en Lettonie (Mai 1919 – Juillet 1920), du Capitaine de Vaisseau Brisson, commandant la flotte alliée devant Riga en Octobre 1919, du Général Niessel, Président de la Commission interalliée des Pays Baltiques, grâce à qui les Allemands évacueront les Pays baltes (Novembre – Décembre 1919), sans oublier le Général Janin qui, depuis la Sibérie, organisera le retour dans leur pays des tirailleurs lettons « blancs » (Juin 1920). Je n'oublierai pas non plus la Compagnie de chars Renault FT-17 du Capitaine Jean Dufour à la bataille der Daugavpils (3 janvier 1920). Ils pourraient être mis en exergue par la France lors des commémorations lettones de 2019.

Le Général Maurice Janin
 Après bien des réticences, liées au désir de voir renaître une Russie forte et aux doutes quant à la viabilité d’un État letton, les puissances alliées ne reconnaîtront de jure l’indépendance de la Lettonie que le 26 Janvier 1921. La candidature de la Lettonie à la Société des Nations sera rejetée une première fois le 16 décembre 1920 et il faudra attendre le 22 Septembre 1921 pour qu’elle puisse y adhérer, en même temps que l’Estonie et la Lituanie.

 Bonne Fête Nationale à la Lettonie et aux Lettons ! 


mardi 15 novembre 2016

« Pages tragiques de l'histoire de la Lituanie » de Vladas Terleckas



Aujourd'hui je voudrais attirer votre attention sur un livre majeur (et je pèse mes mots), à lire absolument si on veut comprendre la Lituanie d'aujourd'hui, Il s'agit de « Pages tragiques de l'histoire de la Lituanie » de Vladas Terleckas.

En s'appuyant sur les dernières recherches et ressources disponibles, ce livre s'efforce de revoir l'histoire dramatique de la Lituanie de 1918 à 1953.

La première partie relate la situation de la Lituanie en 1918. L'auteur raconte comment, après son indépendance, le pays s'est construit et a fait face aux différents défis qui l'attendaient. La seconde partie se concentre sur les conséquences des occupations soviétiques (1940-1941) et nazie (1941-1944), puis sur le retour du régime soviétique.

Mais surtout, Vladas Terleckas décrit la vague de répression, la soviétisation dans tous les secteurs de la vie et révèle les méthodes d'extermination physique et spirituelle mises en œuvre contre les habitants. Mais aussi, il décrit les résistances, armée et non armée, du peuple lituanien contre les occupants, qui ont fait que la résistance lituanienne ne s'éteignit jamais, même au moment des années les plus noires.

Vladas Terleckas, né le 13 septembre 1939, a été membre du Conseil Suprême du Parlement restauré de la république de Lituanie, de 1990 à 1992, Il est signataire de l'Acte de rétablissement de l'indépendance de la Lituanie du 11 mars 1990.

Vladas Terleckas aujourd'hui

Professeur, docteur ès Sciences sociales, Vladas Terleckas a enseigné à l'Université de Vilnius les systèmes bancaires et monétaires de 1967 à 2000. De 1989 à 1992, il a participé de manière intensive à la transformation de l'ancien système soviétique bancaire et monétaire selon les exigences de l'économie de marché. Depuis 2000, ses recherches portent sur les questions d'histoire générale de la Lituanie, particulièrement sur la période de 1918 à 1953.



Le livre « Pages tragiques de l'histoire de la Lituanie » en français de Vladas Terleckas n'est actuellement à la vente qu'en Lituanie. Pour plus de détails concernant la diffusion, vous pouvez contacter (en français) la fille de l'auteur, Jūratė Terleckaitė : jterleckaite@yahoo.co.uk

Vladas Terleckas recevant en 2010 la croix de Chevalier du Mérite pour la Lituanie des mains de Mme Dalia Grybauskaitė

vendredi 11 novembre 2016

Le 11 novembre, jour de Lāčplēšis en Lettonie

Lāčplēšis sur le monument de la Liberté à Riga

Si le 11 novembre 1918, date de signature du cessez-le-feu mettant fin aux combats de la Première Guerre mondiale, est encore largement célébré en France et en Europe, la Lettonie célèbre, elle, un autre 11 novembre. 

Le 11 Novembre, les Lettons célèbrent en effet le Jour de Lāčplēšis (Lāčplēša Diena). Ce jour a pour objet de commémorer le combat de tous les habitants de la Lettonie contre tous les envahisseurs (et Dieu sait qu’ils ont été nombreux !).

Mais, sur le plan historique, c’est une réminiscence du 11 Novembre 1919, victoire dans la guerre de libération nationale, qui s’est déroulée de Décembre 1918 à Août 1920. Ce jour-là marque la fin de la bataille de Riga, victoire de l’armée lettone sur celle de Bermondt-Avalov, ce pseudo prince russe, mais véritable aventurier aux origines incertaines, qui avait formé des Corps francs russo-allemands, avec la bénédiction du général allemand Von der Goltz censé avoir retiré ses troupes de Lettonie. 

Pavel Bermondt-Avalov
Lāčplēšis fait référence au personnage central d’un poème épique éponyme, écrit entre 1872 et 1887, à l’époque donc de la Renaissance nationale du peuple letton, par Andrejs Pumpurs (1841 – 1902), une figure marquante du mouvement «Jaunlatvieši » (« Nouveaux Lettons »). Lāčplēsis avait été choisi par les dieux pour devenir le héros de son peuple. Son nom signifie pourfendeur d’ours car, jeune homme, il avait déchiqueté un ours de ses propres  mains, épisode qui apparaît sur le socle du Monument de la Liberté à Riga. Après maintes aventures, où la lutte de Lāčplēsis contre les Germaniques est omniprésente, le héros disparaît finalement dans la Daugava avec son dernier adversaire, le Chevalier noir, celui-ci ayant découvert que la force de Lāčplēsis résidait dans ses oreilles (sa mère étant une ourse). Mais la légende dit que Lāčplēsis reviendra pour libérer son pays en rejetant le monstre à ma mer. Les ennemis potentiels de la Lettonie sont prévenus.

Andrejs Pumpurs 
NB : La Fête Nationale lettone tombe une semaine plus tard, le 18 Novembre, et commémore la Proclamation d’Indépendance (Latvijas republikas proklamēšana diena) du 18 Novembre 1918. Cette proximité peut être source de confusion.

 On notera que l’Ordre de Lāčplēsis a été institué à cette occasion et que les premiers récipiendaires l’ont reçu le 11 Novembre 1920 (il a été attribué jusqu’en 1928). Parmi les récipiendaires, j’ai compté 49 Français s’étant illustrés lors de la guerre d’indépendance de la Lettonie, dont certains sont bien connus des spécialistes de cette période : le Général Niessel, le Général Janin, le Capitaine de Vaisseau Brisson et le Lieutenant-colonel du Parquet. Mais on trouve également le Maréchal Foch et le Général Weygand, ainsi que la ville de Verdun.   


Ordre de Lāčplēsis


mardi 8 novembre 2016

Présence renforcée de l'OTAN dans les États baltes


Au sommet de Varsovie du 8 juillet 2016, l'OTAN avait validé le principe d'une présence avancée renforcée (Enhanced Forward Presence – eFP) dans les Etats baltes et en Pologne. J'avais déjà eu l'occasion d'évoquer ce renforcement dans un post du 31 août :

Aujourd'hui, on en sait un peu plus, même si les détails de la composition des bataillons ne sont pas encore connus. Rappelons que les nations cadres de ces bataillons seront :
# En Estonie, le Royaume-Uni
# En Lettonie, le Canada
# En Lituanie, l'Allemagne
# En Pologne, les États-Unis



L’effectif des bataillons devrait être au total d'environ 1000 hommes. Ils devraient être mis en place au cours du printemps 2017, les nations cadres étant renforcées par des unités de nations contributrices.

On notera que la France participera :

# en 2017 avec un sous-groupement interarmes d'environ 150 hommes au sein du bataillon britannique, stationné au polygone de Tapa en Estonie ; les Britanniques étant annoncés avec des chars de bataille Challenger-2 et des drones Desert Hawk, je gage que les Français ne seront pas en reste.

# en 2018 au sein du bataillon allemand au camp de Rukla en Lituanie.

Char de bataille Challenger 2

J'ai été approché pour donner une information aux participants du SGTIA français en partance pour l'Estonie, mais on me permettra de ne pas en dire plus, d'autant que cette mission ne m'a pas été confirmée.

Insigne de la "Iron Brigade"

On aura noté que ces bataillons ne devraient se mettre en place qu'autour du mois d'avril 2017. Aussi le Secrétaire d’État U.S. à la Défense a annoncé la projection dès janvier 2017 de la 3e Brigade (Iron Brigade) de la 4e Division d'Infanterie de Fort Carson (Colorado), soit 4 000 hommes. Les matériels arriveront au port allemand de Bremerhaven, puis acheminés partie par le rail, partie par la route vers la Pologne. Après la remise en condition de la Brigade, les unités seront dispatchées en février sur tout le front, de l'Estonie à la Bulgarie. La brigade est équipée de chars M-1 Abrams et de véhicules de combat d'infanterie M-2 Bradley.

Char de bataille M-1 Abrams

Tout ce dispositif est défensif, mais il peut paraître sous-dimensionné face aux trois divisions russes qui font face. Mais il est surtout dissuasif, destiné à montrer l’implication de l'OTAN et des États-Unis dans la défense de l'est de l'Europe en général et des États baltes en particulier, victimes des provocations incessantes et des menaces de l'armée russe.  

Véhicule de combat d'infanterie M-2 Bradley

lundi 24 octobre 2016

Législatives lituaniennes : large victoire finale des « Paysans et Verts »


Alors que, lors du premier tour à la proportionnelle, les Conservateurs de Tėvynės sąjunga, avec 21,70 % des voix et 20 sièges, l'avaient emporté de peusur l'Union des Paysans et Verts (Lietuvos valstiečių ir žaliųjų sąjunga 21,53 % et 19 sièges), les Sociaux-démocrates au pouvoir enregistrant déjà un sérieux recul avec 14,42 % et 13 sièges, le 2ème tour au scrutin majoritaire a vu une poussée spectaculaire et inattendue des Paysans et Verts.

Le prochain Seimas comportera en effet:

   # Lietuvos valstiečių ir žaliųjų sąjunga Paysans et Verts : 54 députés
   # Tėvynės sąjunga - Lietuvos krikščionys demokratai Conservateurs: 31 députés
   # Lietuvos socialdemokratų partija Sociaux-démocrates : 17 députés
   # Lietuvos Respublikos liberalų sąjūdis Libéraux : 14 députés
   # Partija Tvarka ir teisingumas Nationalistes (Paksas) : 8 députés
   # Darbo partija Populistes (Uspaskich) : 2 députés
   # Lietuvos žaliųjų partija "vrais" Verts : 1
   # Politinė partija „Lietuvos sąrašas“ "Liste Lituanie" : 1
   # Indépendants et divers : 5

Le total fait bien 141 députés. La liste nominative complète des nouveaux élus est donnée sur le site de la Commission Centrale Electorale Lituanienne : http://www.vrk.lt/2016-seimo/rezultatai?srcUrl=/rinkimai/102/2/1306/rezultatai/lt/rezultataiIsrinktiNariai_rus-P.html

Parmi les élus connus (au moins de moi), élus souvent grâce à la proportionnelle, je soulignerai : Žygimantas Pavilionis (TS, élu face au lanceur de disque Virgilijus Alekna), Gabrielius Landsbergis (TS), Audronius Ažubalis (ancien Ministre des Affaires Etrangères qui m'avait adressé une lettre de félicitation en 2012), Emanuelis Zingeris, Andrius Kubilius (ancien Premier Ministre), Arunas Gelunas (Représentant à l'UNESCO, Libéral), Gediminas Kirkilas (ancien Premier Ministre), Juozas Olekas (actuel Ministre de la Défense), Algirdas Butkevičius (actuel Premier Ministre, les trois derniers étant SocDem).

Parmi les irrémédiablement battus Andrius Kupčinskas (TS), ancien Maire de Kaunas qui m'avait décoré en 2012, et Arturas Zuokas (Libéral), ancien Maire de Vilnius.

Il ne reste plus qu'à savoir qui sont ces élus "Paysans et Verts" que personne ne connaît. Certains parlent de centristes de centre-droit, d'autres de populistes soft. Ils ne sont en tout cas pas des Verts au sens de nos écolos……. Il semblerait surtout que les électeurs aient voulu élire de nouvelles têtes. Mais nouveaux venus en politique peut être synonyme d'inexpérience…...

Ramunas Karbauskis
Leur leader est un millionnaire dans le domaine de l'agro-alimentaire, Ramūnas Karbauskis, 47 ans, qui a déjà été député mais qui ne brigue pas aujourd'hui de responsabilité dans l'exécutif. Le candidat au poste de Premier Ministre est Saulius Skvernelis, 46 ans, ancien chef de la police nationale. Ils ont annoncé ouvrir des négociations pour former un gouvernement de coalition aussi bien avec Tevynes Sajunga qu'avec les Sociaux-démocrates. Car, pour disposer d'une majorité au Seimas (Parlement de 141 membres), les Paysans et Verts devront s'allier à un parti traditionnel recelant quelques vieux briscard de la politique lituanienne…...

Saulius Skvernelis, alors chef de la Police
La Présidente Dalia Grybauskaitė a reçu ce matin les leaders des deux formations arrivées en tête.

Dalia Grybauskaite recevant Andrius Kubilius (à gauche) et Gabrielius Landsbergis 

vendredi 7 octobre 2016

Il y a dix ans, Anna Politkovskaïa était assassinée







Le samedi 7 octobre à 17H10, c’est une voisine qui découvrit le corps sans vie de la journaliste Anna Politkovskaïa devant l’ascenseur de son immeuble à Moscou. Dans l’ascenseur, les policiers retrouvèrent un pistolet Makarov de 9 mm et quatre douilles. L'émotion avait été très forte en Occident où elle jouissait d'une plus grande notoriété qu'en Russie.

Depuis Juin 1999, Anna Politkovskaïa collaborait au journal en ligne Novaïa Gazeta (Новая газета - Le Nouveau Journal - http://en.novayagazeta.ru/), un des rares médias indépendants qui subsistent encore aujourd’hui en Russie. Elle s'était rendue à de nombreuses reprises dans les zones de combats en Tchétchénie et dans des camps de réfugiés au Daghestan, puis en Ingouchie. En octobre 2002, au péril de sa vie, elle avait accepté de servir de négociatrice lors de la prise d'otages dans un théâtre de Moscou, qui s'est terminée de manière dramatique. Régulièrement menacée, elle avait subit une tentative d'empoisonnement en 2004, alors qu'elle se rendait en avion dans le Caucase. 

Après bien des rebondissements, l'enquête sur l'assassinat a été close en juin 2014 par le procès de cinq hommes, dont quatre originaires de Tchétchénie, condamnés à de lourdes peines. Mais aucun commanditaire n'a été retrouvé ni a fortiori inculpé. Il faut dire que l'enquête semble mener en direction de l'élite (sic) tchétchène et qu'apparemment le pouvoir russe la freine ……

Depuis 2000, six journalistes de Novaïa Gazeta ont été assassinés, dont Anastasia Babourova en Février 2009. Au-delà de Novaïa Gazeta, ce sont 21 journalistes qui ont été assassinés depuis 2000, mais aussi des avocats (comme Stanislav Markelov) et des représentants d’ONG (comme Natalia Estemirova, de l’ONG « Memorial »).   Ils avaient pour point commun de dénoncer la corruption et  les atteintes aux droits de l'homme en Russie, et la guerre en Tchétchénie. Aucun de ces meurtres n’est à ce jour élucidé.


L'assassinat de Boris Nemtsov, le 27 février 2015, a présenté bien des similarités avec celui d'Anna Politkovskaïa : des exécutants tchétchènes qu'on trouve très vite et qui avouent très rapidement sous les caméras des médias, des commanditaires par contre introuvables et, coïncidence touchante, l'assassinat d'Anna Politkovskaïa a eu lieu le jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine et celui de Boris Nemtsov sous les fenêtres du même Poutine au Kremlin ……. 

Anna Politkovskaïa a été assassinée pour la Liberté, pour notre Liberté !






mercredi 5 octobre 2016

Le voyage de Diderot à Saint-Pétersbourg

Denis Diderot

Le 5 octobre 1713 naissait à Langres le futur philosophe Denis Diderot. Un prétexte pour évoquer le voyage qu'il fit à Saint-Pétersbourg en 1773 – 1774.


Car le philosophe et maître d’œuvre de l’Encyclopédie Denis Diderot (1713 – 1784) sera le seul personnage important des Lumières françaises à répondre favorablement à l’invitation de l’impératrice Catherine II à se rendre à Saint-Pétersbourg, mettant néanmoins 11 ans à se décider.  Ce voyage s’effectuera de l’automne 1773 au printemps 1774, soit plus de 20 ans après que Voltaire se soit rendu auprès d’un autre monarque sensible aux idées des Lumières : Frédéric II, Roi de Prusse.

Catherine II, impératrice et autocrate de toutes les Russies, règne à partir du 28 juin 1762, succédant à son mari Pierre III, Tsar brutal et ivrogne, assassiné lors d’un coup d’état dont elle est l’instigatrice. Elle s’était réfugiée dans la lecture et goûtait aux idées des Lumières. Elle entretient des correspondances avec notamment Voltaire (dont elle achètera la bibliothèque), d’Alembert, Melchior Grimm, et Diderot, et n’a de cesse de vouloir faire venir les philosophes à Saint-Pétersbourg. De leur côté, les philosophes français se sentent investis d’une mission civilisatrice et espèrent convertir les souverains européens aux idées de progrès politique, économique et social. 

L'Impératrice Catherine II

Dès son accession au trône, en 1762, Catherine avait proposé à Diderot, par l’entremise de Voltaire, de venir terminer l’Encyclopédie à Riga. Mais le philosophe avait alors décliné l’invitation dans la mesure où la censure en France avait desserré son étreinte, les Jésuites ayant été expulsés en 1764. Le fait que la tsarine vienne en aide financièrement au philosophe en lui rachetant sa bibliothèque en 1765, par l’entremise de Frédéric Melchior Grimm, est semble-t-il déterminant. 

Avant de partir, Diderot va se documenter, curieusement plus en lisant l’Histoire de Russiede Voltaire (écrit en 1759 et 1763), qui n’est jamais allé sur place, plutôt que dans l’article « Russie » de l’Encyclopédie, écrit par le chevalier de Jaucourt. Il consulte également leVoyage en Sibérie de l’abbé Chappe d’Auteroche, qui décrit la Russie sans complaisance.

Diderot va faire ses deux voyages, aller et retour, par la route. Parti de Paris le 11 juin 1773, il va d’abord séjourner deux mois à La Haye, avant de reprendre la route « à marche forcée », son compagnon de voyage, Aleksei Vasilievich Narychkine, un jeune russe de l’une des grandes familles et chambellan de Catherine, souhaitant arriver à Saint-Pétersbourg pour le mariage du prince héritier, le Grand-duc Paul, le 9 octobre 1773. Ils passent par Düsseldorf, Leipzig, Königsberg, Memel (Klaipėda), Mitau (Jelgava), Riga et Narva, et arrivent à Saint-Pétersbourg le 8 octobre, la veille du mariage princier ! 

L'itinéraire aller et retour de Diderot

Diderot va séjourner à Saint-Pétersbourg du 8 octobre 1773 au 5 mars 1774, c’est-à-dire en plein pendant l’hiver. Il espérait loger chez le sculpteur Étienne-Maurice Falconet, que Diderot avait recommandé à l’impératrice pour réaliser la statue de Pierre le Grand. Mais celui-ci le reçoit avec une certaine froideur et explique qu’il ne peut pas le loger car son fils est arrivé à l’improviste. C’est finalement Aleksei Vasilievich Narychkine qui lui offrira l’hospitalité dans son hôtel particulier, au 8 place Saint-Isaac.   

Âgé de 60 ans, ce voyage, au cours duquel il est malade et dont il va rentrer affaibli, est pour lui une épreuve. Dès la fin septembre 1773, à Narva (Estonie), il sera pris de coliques néphrétiques. A Saint-Pétersbourg, il ne sort pratiquement pas du palais Narychkine, car il est souvent atteint de dysenterie. Il est toutefois reçu en moyenne trois fois par semaine par la Tsarine, dans les appartements privés de celle-ci, pour des tête à tête qui durent de deux à trois heures. C’est Diderot qui proposait les thèmes en présentant à l’impératrice un essai ou un « mémoire » qui servait de point de départ à leur discussion.
Diderot n’a pas rédigé de « Voyage en Russie », à la différence de son « Voyage en Hollande ». On  connaît toutefois quelques détails de son périple de retour par ses correspondances. Diderot quitte en effet Saint-Pétersbourg le 5 mars 1774. Les difficultés pour se loger en route est une constante que l’on retrouvera chez d’autres voyageurs (« des hôtes maussades, des mauvais gîtes »). Il évoque une aventure à Mittaubrück quand la voiture que lui a fournie Catherine II se brise au passage de l’Aa courlandaise (le fleuve Lielupe). Le voyage était déjà devenu épopée quand il écrivait : « Quand je me rappelle le passage de la Douina (Daugava), à Riga, sur des glaces entrouvertes d’où l’eau jaillissait autour de nous, qui s’abaissaient et s’élevaient sous le poids de notre voiture et craquaient de tous côtés, je frémis encore de ce péril ». Il laissera en chemin « quatre voitures fracassées » ! Il sera de retour à Paris en Octobre 1774.


La fille de Diderot écrivit plus tard que le climat froid et humide de Saint-Pétersbourg avait nui à la santé de son père et que le voyage en Russie avait probablement raccourci sa vie.

Première page de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert

mardi 4 octobre 2016

Kersti Kaljulaid élue Présidente d'Estonie



C'est peu de dire que le processus a été compliqué ! L'Estonie a enfin élu hier son Président de la République, Ou plutôt, sa Présidente, mais pas celle que l'on attendait, Marina Kaljurand, qui était celle qui reçoit actuellement la plus forte popularité.

La nouvelle Présidente s'appelle Kersti Kaljulaid. Elle est née à Tartu en 1969, et c'est à l'Université de Tartu qu'elle a obtenu un MBA en biologie. En 1998 et 1999, Kaljulaid a travaillé comme chef de projet dans la banque d'investissement Hansapank, où son principal domaine d'expertise incluait les fusions et les acquisitions d'entreprises, ainsi que des conseils de privatisation.

Kersti Kaljulaid, Présidente élue d'Estonie

En 1999, Kaljulaid est devenue conseiller économique du Premier ministre Mart Laar. Elle a également été coordinateur des relations de l'Estonie avec le Fonds monétaire international (FMI) et a participé à la préparation de la réforme des retraites en collaboration avec les ministères des finances et des affaires sociales. Depuis 2004, Kaljulaid a travaillé comme vérificateur à la Cour des Comptes européenne.

Pour en arriver à cette élection, il a fallu d'abord trois tours de scrutin infructueux au Riigikogu, aucun des deux candidats restant en lice au troisième tour, Siim Kallas et Mailis Reps, n'atteignant la majorité des 2/3 nécessaire à son élection. Puis un collège électoral de335 membres (les 101 députés + 234 représentants des conseils locaux) est entré en lice. Là encore, au bout du deuxième tour, aucun candidat n'avait été élu. Il faut noter qu'à chaque tour, des candidats se désistaient ou, au contraire, apparaissaient !

Hier, de retour au Riigikogu, le problème était quand même plus simple : 90 des 101 membres du Parlement (via les présidents de 5 partis représentés au Parlement sur 6) avaient nominé un seul candidat, Kersti Kaljulaid, qui n'avait pas du tout participé aux tours précédents. Comme un candidat doit être nominé par au moins 21 députés, et qu'un député ne peut nominer qu'un seul candidat, l’affaire, avec un candidat unique, semblait être (enfin) entendue. Il fallait toutefois que Kersti Kaljulaid rallie sur son nom 2/3 des voix.

Sur 98 députés présents, 81 ont apporté leur vote à Kersti Kaljulaid, soit plus que les 68 nécessaires (mais moins que les 90 qui l'avaient nominée …...). En conséquence, Kersti Kaljulaid fut déclarée élue Président de la République. Elle prêtera serment ce lundi 10 octobre.

Le Président sortant, Toomas Hendrik Ilves (en poste depuis 2006) recevant le Président élu, Kersti Kaljulaid


Dès avant cet ultime tour, un député, Kadri Simson (Centre), avait déjà présenté au Président du Parlement, Eiki Nestor, au nom de 31 collègues, un projet de loi amendant la Constitution, pour permettre l'élection du Président de la République au suffrage universel. La plupart des médias suggéraient que le candidat arrivé en tête au troisième tour du premier passage devant le Riigikogu soit déclaré élu à la majorité relative, Cette année, le Président aurait donc été Siim Kallas…….

Car, même s'il y a eu auparavant 5 autres tours de scrutin, être élu Président de la République alors qu'on est le seul candidat, ça a un petit côté, comment dire, démocratie populaire…….