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lundi 11 août 2014

Abrene, territoire letton perdu


Certains esprits curieux, se rendant en Lettonie, pourraient se demander que célèbrent ces « Abrenes iela » (Rue d’Abrene) que l’on rencontre dans la plupart des villes lettones, à commencer par Rīga. Retour (bien sûr ……) sur l’histoire du jour, car Wikipedia en français ne vous sera pas d’une grande utilité.
Bien qu’ayant déclaré formellement son indépendance le 18 novembre 1918, la République de Lettonie dut livrer, de 1918 à 1920, une guerre contre – entre autres - les bolcheviques, les Allemands de von der Goltz et les corps francs de Bermondt-Avalov.

Finalement, le 11 août 1920, la Lettonie signe le Traité de Riga par lequel la Russie soviétique (L’URSS ne naîtra que le 30 décembre 1922) reconnaissait la République de Lettonie et renonçait définitivement (sic) à toute revendication territoriale. L’échange des documents de ratification a lieu à Moscou le 4 décembre 1920. Le texte du traité précise en détail la délimitation de la frontière (cf. le texte en anglais : http://www.mfa.gov.lv/en/policy/peace-treaty/).



Ce traité officialisait le rattachement de la ville de Pytalovo à la Lettonie. En 1924, elle changea son nom russe contre celui plus letton de Jaunlagale puis, en 1938, son nom officiel fut modifié en Abrene.
Le 17 juin 1940, la Lettonie, comme les deux autres Etats baltes, fut attaquée puis annexée par l’Union soviétique. Abrene resta incluse dans la République Socialiste Soviétique (RSS) de Lettonie. Après 3 ans sous occupation allemande, Abrene fut reprise par les soviétiques en juin 1944.

La gare d'Abrene en 1938


Le 22 août 1944, le Présidium du Soviet Suprême de la RSS de Lettonie « demanda » au Présidium de l’URSS que soient séparées de la Lettonie et rattachées à la République Fédérative de Russie les zones à majorité russe, en l’occurrence la région d’Abrene. Le Présidium de l’URSS donna son accord, ce qui était en violation de la loi soviétique, les changements de frontière interne devant être approuvé par tout le Soviet suprême. Le transfert ne fut finalisé qu’en 1946, la RSS de Lettonie perdant 1 293 km2, alors que seuls 1 075 km2 avaient été proposés. Le territoire fut soumis à la collectivisation forcée et de nombreuses personnes furent déportées (2 728 début 1949 et 1 563 en mai 1950). L’administration locale fut remplacée par des immigrants venant de Russie ou d’autres républiques.  Nombreux furent les habitants lettons, voire russes, qui n’avaient pas été déportés, qui s’enfuirent en RSS de Lettonie.   

La gare de Pytalovo en 2012

  
Lorsque la Lettonie recouvra son indépendance le 4 mai 1990, la République de Lettonie s’appuya sur le Traité de Riga de 1920 pour définit les limites de son territoire, ce qui impliquait donc la restitution d’Abrene, redevenue entre-temps Pytalovo, dans l’oblast de Pskov, à la Lettonie. La Russie rejeta toute référence au traité de 1920. Comme, de plus, la Russie ne reconnaissait pas (et ne reconnaît toujours pas) que les Etats baltes en général et la Lettonie en particulier aient été occupés illégalement et annexés, la question fut gelée.

En 2005, quand la Lettonie négociait l’accord de frontière avec la Russie, Vladimir Poutine (déjà Président de la Fédération de Russie) déclara que les prétentions de la Lettonie sur Abrene étaient « contre l’esprit européen » et qu’à la place elle recevrait (je cite) les oreilles d’un âne mort (!).
L’accord frontalier fut finalement signé en 2007, sans faire référence au Traité de 1920, ce que d’aucuns considèrent comme une trahison.

NB : l’Estonie a connu le même problème avec le territoire de Petseri, au sud du lac Peipsi.




Pour plus de détails, voir le texte en Anglais « The lost Latvian land – Abrene » du 29 mai 2014 sur le site « Latvian History » : http://latvianhistory.com/2014/05/29/the-lost-latvian-land-abrene/

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