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samedi 31 août 2013

Absent, mais ……



Je vais être absent du 1er au 8 Septembre inclus. Direction l’ouest : la Bretagne.


Pendant cette période, il est vraisemblable que la Syrie va focaliser toutes les attentions.
Il n’est toutefois pas interdit de jeter un coup d’œil sur ce qui se passe à l’est et qui n’est pas dénué d’intérêt.

Suivons par exemple ce qui se passe en Ukraine, où la « guerre du chocolat » dure toujours. La Russie interdit l’importation de produits Roshen, le plus grand confiseur ukrainien, officiellement pour des raisons sanitaires. En guise d’avertissement, histoire de montrer que ses capacités de nuisance pourraient être beaucoup plus grandes, la Russie a, en outre, récemment bloqué de facto les importations ukrainiennes pendant quelques jours.


Nul doute que ces gesticulations sont en rapport avec la volonté, désormais bien affichée, du gouvernement ukrainien de signer en Novembre l’Accord d’Association avec l’Union Européenne plutôt que l’Union Douanière avec la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan.

Suivons également ce qui se passe au Bélarus, nouveau venu dans la liste des pays en bisbille avec la Russie, où c’est la « guerre de la potasse ». Cette tension fait suite à l’arrestation cette semaine à Minsk de l’entrepreneur russe Vladislav Baumgartner, patron d’Uralkali, premier producteur mondial de potasse, alors qu’il sortait d’un rendez-vous avec le Premier Ministre bélarusse, Mikhaïl Miasnikovitch. En Juillet, Uralkali avait décidé unilatéralement de rompre ses accords commerciaux avec le Bélarus, ceci explique cela.  

Vladislav Baumgartner


C’est bien sûr un hasard si, dans la foulée, Rosselkhoznadzor, l’agence vétérinaire russe, a interdit ce vendredi les importations de cochons et de viande porcine depuis le Bélarus. Et c’est une fâcheuse coïncidence si Moscou a ordonné aux compagnies pétrolières russes de réduire d’un quart leurs expéditions en direction du Bélarus, pays par lequel transitent d’ailleurs le pétrole et le gaz naturel à destination de l’Allemagne et de la Pologne……Raison invoquée : des réparations à effectuer sur le pipeline Druzhba (ça ne vous rappelle pas des réparations sur le même pipeline lorsque la raffinerie lituanienne de Mažeikių Nafta avait été vendue aux Polonais plutôt qu’aux Russes ?......)

Ayons enfin un œil en direction de la Slovénie, qui va devenir le centre du monde pour les Lituaniens, Championnat d’Europe de basket oblige !


En attendant mon retour, n’hésitez pas à aller consulter des articles qui auraient pu vous échapper pendant l’été. Ce ne sont pas des copier-coller et vous ne les trouverez nulle part ailleurs que sur mon blog http://gillesenlettonie.blogspot.fr/ (sauf ponctuellement sur d’autres sites, avec plus ou moins mon accord ……). Plus de 11 000 connexions en Août, alors même que ça ne parle pas de sexe, ça mérite bien d'être encouragé, non ? 




  



vendredi 30 août 2013

Bientôt, la Lituanie au Championnat d’Europe de basket


C’est une tautologie de dire qu’en Lituanie le basket-ball est plus qu’une passion : c’est la deuxième religion. Le dommage collatéral est que, quand l’équipe nationale se fait battre tôt dans une compétition (comme en 2009 en quart de finale contre la Macédoine), c’est quasiment une catastrophe nationale ! La pression monte donc à l’approche du 38e championnat d’Europe masculin (ou Eurobasket 2013), organisé du 4 au 22 Septembre 2013 en Slovénie.

Pour ne pas passer pour un demeuré si, pendant cette période, vous rencontrez des Lituaniens ou si, a fortiori, vous êtes en Lituanie, voici ce qu’il convient de savoir.



24 équipes se sont qualifiées pour cet Eurobasket. Elles sont, pour le premier tour, réparties en quatre groupes (où il y a donc logiquement 6 équipes par groupe). Chaque équipe rencontre les cinq autres de son groupe. A l’issue de ces matchs, les 3 meilleures équipes sont qualifiées pour le second tour.

La Lituanie est dans le groupe B avec (par ordre alphabétique) la Bosnie-Herzégovine, la Lettonie, la Macédoine, le Monténégro et la Serbie. Ses matches pour ce premier tour auront lieu au complexe sportif de Dvorana Podmežakla de Jesenice, au nord de la Slovénie, à la frontière autrichienne. Le calendrier de l’équipe lituanienne est le suivant :
      # 4 septembre à 21H : contre la Serbie
      # 5 Septembre à 21H : contre la Macédoine
      # 6 Septembre à 17H45 : contre la Lettonie
      # 8 Septembre à 21H : contre le Monténégro
      # 9 Septembre à 17H45 : contre la Bosnie-Herzégovine
 
On peut raisonnablement espérer que la Lituanie sera dans les 3 équipes qualifiées pour le deuxième tour.

Au deuxième tour, les qualifiés des groupes A (dont sans doute la France) et B, se rencontrent dans une nouvelle poule (Groupe E), de même les qualifiés des groupes C et D dans un groupe F. Là, on prendra les 4 premiers (sur 6) de chacun des groupes E et F pour la suite des événements. A noter que le classement du premier tour donne des bonifications, afin d’éviter des combines consistant à se laisser battre pour éviter telle équipe réputée forte dans l’autre groupe. (Ça va, ça suit ?). Pour tout le monde, ce deuxième tour a lieu à Ljubljana, à la Stožice Arena (13 000 places).

Là encore, ça serait un tsunami si la Lituanie ne passait pas ce cap !

Ensuite viendront les quarts de finale (18 et 19 septembre), les demi-finales (20 Septembre) et la finale (22 Septembre). Mais c’est une autre histoire ……

On rappellera que la Lituanie a été :
      # Championne d’Europe en 1937, 1939 et 2003, 2e en 1995, 3e en 2007
      # 3e aux Championnats du monde 2010
      # 3e aux Jeux Olympiques 1992, 1996 et 2000
La Lettonie, elle, a été championne d’Europe 1935 et 2e (derrière donc la Lituanie) en 1937.

Me mouiller pour un pronostic ? Au vu des matchs amicaux préparatoires, la Lituanie peut espérer finir dans les trois premiers. Il ne faut pas oublier que les juniors champions du monde 2011 arrivent dans l’équipe senior aujourd’hui, à l’image de Jonas Valančiūnas. Mais vous savez qu’au basket tout peut arriver dans les cinq dernières minutes !

L'équipe de Lituanie junior, championne du monde 2011


NB : Je crois avoir lu quelque part qu’à Paris les supporteurs de la Lituanie allaient pouvoir se retrouver à l’occasion des matchs au WOS Bar, 184 rue Saint Jacques, Paris Ve. Et je sais d’expérience qu’il y a de la Svyturys !......





mercredi 28 août 2013

Nouvelle donne pour la manœuvre Zapad-2013 ?


Le 28 Juin dernier, j’évoquais déjà la manœuvre conjointe russo-bélarusse Zapad-2013 (Ouest-2013) qui aura lieu du 20 au 26 Septembre prochain.

Un contexte nouveau, la perspective d’une confrontation en Syrie, et quelques éléments collatéraux, font que cette manœuvre, organisée irrégulièrement depuis 1981, suscite l’inquiétude en Pologne et dans les Etats Baltes.

Chasseur SU-27

Le scénario de Zapad-2013 est celui d’un conflit de crise se développant après la détérioration des relations avec les Etats voisins en raison de conflits interethniques et religieux, et de revendications territoriales (Interfax-AVN Online, 7 Juin 2013). En clair, il s’agit du même scénario qu’à Zapad-2009, où les méchants Lituaniens et Polonais attaquaient le gentil Bélarus accusé de maltraiter sa minorité lituanienne. La situation se détériorait au point que l’exercice culminait avec une frappe nucléaire tactique sur Varsovie !

Ceci dit, pas de quoi fouetter un chat. Au cours de ma carrière passée, à l’époque où nous faisions face au Pacte de Varsovie, tout exercice incluait une frappe nucléaire et une frappe chimique de l’adversaire ou contre l’adversaire (même si je soupçonnais toujours les auteurs du thème de se délecter de nous voir porter le masque à gaz pendant …… un certain temps).

Quelques éléments collatéraux de « mise dans l’ambiance » ont pu toutefois faire froncer les sourcils dans les Etats baltes.

L'hovercraft "Zubr" beachant près de Kaliningrad

Il y a quelques jours, c’est un hovercraft militaire russe Zubr (N° 782 « Mordovia ») qui est venu beacher sur une plage bondée de baigneur dans l’exclave russe de Kaliningrad (entre Lituanie et Pologne). http://www.youtube.com/watch?v=Ph1I9OcnjeU . J’ai quelque mal à croire qu’un engin comme celui-là, le plus grand au monde (555 tonnes en pleine charge), en deux exemplaires dans la marine russe, décide inopinément de venir accoster sur une plage en plein mois d’Aoüt. Un peu comme si le « Charles-de-Gaulle se présentait à l’entrée du port de Palavas-les-Flots ! « On » aurait voulu montrer le gros engin pour impressionner les voisins qu’on n’aurait pas procédé autrement.

Cerise sur le gâteau : la sortie d’un politologue russe, Mikhail Aleksandrov, chef du Département balte à l’Institut des Pays de la CEI à Moscou, déclarant que, si les Américains « agressaient » la Syrie, le gouvernement russe devrait envoyer ses troupes en Estonie, Lettonie et Lituanie.      http://m-alexandrov.livejournal.com/14606.html?thread=240142&#t240142 (en russe). Mais compte tenu du danger que présenterait une attaque russe sur trois Etats membres de l’OTAN, il est vraisemblable que ça ne représente pas une option crédible à Moscou. Ça participe toutefois à une mise dans l’ambiance très « guerre froide » !  

Le politologue Mikhaïl Aleksandrov

Il est également très curieux que RIA-Novosti ressorte comme par hasard aujourd’hui l’information, connue depuis le mois de Juin, que l’armée de l’air russe créera avant la fin 2013 sa première base aérienne en territoire bélarusse, à Lida, à proximité des frontières polonaise et lituanienne.

Sans doute que Zapad-2013 et tout ce qui se trame autour se cantonnera à impressionner l’adversaire occidental potentiel. Mais ça ne participe pas à restaurer la confiance entre Etats voisins, dont les uns ont dû subir l’occupation de l’autre pendant 50 ans.

  

dimanche 25 août 2013

Ukraine : bientôt la fin de l’exercice d’équilibrisme


A l’occasion du 22ème anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine (24 Août 1991), le Président Viktor Ianoukovytch s’est livré hier à son exercice habituel et favori d’équilibrisme !  Dans le même discours, il a à la fois déclaré « Pour l'Ukraine, l'association avec l'Union européenne doit devenir une incitation importante en vue de constituer un Etat européen moderne » et « Au même moment, il nous faut préserver et approfondir nos relations (et) processus d'intégration avec la Russie » !  

Ce numéro d’équilibrisme, qui dure depuis des mois, va devoir bientôt cesser, exactement les 28 et 29 Novembre 2013, à l’occasion du Troisième sommet du Partenariat oriental qui se tiendra à Vilnius (Litexpo). Ce sommet réunira les chefs d'État ou de gouvernement des 28 États membres de l'UE et des 6 pays du partenariat oriental (Bélarus, Moldavie, Ukraine, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan), ainsi que les dirigeants des institutions de l'UE. A cette occasion devrait être signé (ou pas) l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union Européenne.



Un Accord de Stabilisation et d’Association (ASA) est un traité international signé entre l’UE et certains pays candidats potentiels à l’Union afin de les préparer à une adhésion future en introduisant les règles communautaire (l’acquis communautaire) dans divers domaines. La conclusion d’un ASA peut être suivie d’une demande d’adhésion à plus ou moins longue échéance. Des ASA ont été signé dans le passé avec la Macédoine (2001), l’Albanie (2006), le Monténégro (2007), la Serbie (2008), la Bosnie-Herzégovine (2008).

Les entraves à une signature de l’Ukraine en Novembre 2013 sont multiples et proviennent de plusieurs directions.

Poutine et Ianoukovytch

La Russie est farouchement opposée à un rapprochement entre l’Ukraine et  l’Union Européenne. La « Révolution orange » en Ukraine en 2004 reste d’ailleurs le plus grand cauchemar de Vladimir Poutine. Il faut dire que le (déjà) Président russe était venu soutenir deux fois son candidat préféré, Viktor Ianoukovytch, ingérence notoire dans la campagne des élections présidentielles, lesquelles s’étaient avérées archi-truquées. Un nouveau scrutin avait conduit à l’élection du très pro-occidental Viktor Iouchtchenko. Mais il semble qu’aujourd’hui Viktor Ianoukovytch ne soit plus en odeur de sainteté au Kremlin.

La Russie avait déjà prévenu l’Ukraine la semaine dernière qu’en cas de signature d’un accord d’association «suicidaire» avec l’Union européenne, Moscou renforcerait les contrôles de marchandises ukrainiennes à la frontière entre les deux pays. Or, l'économie ukrainienne dépend en bonne partie de ses exportations d'acier, de charbon, de produits d'hydrocarbures, de céréales et de produits chimiques qui vont à plus de 60% vers d'autres anciennes Républiques soviétiques, en premier lieu la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan, les trois membres de l’Union Douanière, lancée le 6 Juillet 2012.

En guise d’avertissement, la Russie a d’ailleurs envoyé, la semaine dernière, un avertissement en bloquant toutes les importations du géant chocolatier ukrainien Roshen et en faisant des contrôles de qualité chronophages sur toutes les importations ukrainiennes. Ce que l’Ukraine a qualifié de guerre commerciale et ce qui pourrait préfigurer les représailles qui pourraient l’attendre. Mais, pour l’instant, il s’agit bel et bien de chantage !

Peut-il laisser l'Ukraine "partir" ? 

L’Union Européenne, elle, serait prête à signer l’ASA « si Kiev fait des progrès dans le respect de l’Etat de droit et reconsidère la situation de l’opposante et ex-Premier ministre Ioulia Tymochenko ». En effet, si personnellement je ne pense pas que Mme Timochenko, emprisonnée pour 7 ans pour abus de pouvoir, soit blanche comme neige, il est notoire qu’une grande partie des motivations de sa condamnation sont politiques. Il ne faut toutefois pas être grand clerc pour deviner qu’il y a actuellement d’intenses tractations entre l’UE et l’Ukraine pour que, par exemple, Mme Tymochenko puisse être hospitalisée en Allemagne contre l’assurance qu’elle ne se mêlera pas de politique intérieure ukrainienne, notamment à l’occasion des élections présidentielles de 2015.

Il ne faut pas négliger non plus la frilosité de certains membres de l’Union Européenne qui, sous la pression de leurs opinions publiques, pas toujours bien informées, europhobes ou eurosceptiques, qui ne montrent pas un enthousiasme débordant à l’idée d’une extension potentielle de l’UE alors que, dans le cas de l’Ukraine, il ne s’agit pour l’instant que de la rapprocher des acquis européen.

De quel côté va-t-il "tomber" ? 

Enfin, il y a l’Ukraine elle-même, ou plutôt le régime de M. Ianoukovytch, qui voudrait bien retirer les avantages (les « mauvaises langues » disent à son propre profit) et de l’Accord d’Association avec l’UE et de son statut d’observateur auprès de l’Union Douanière. Mais l’une comme l’autre des parties ont déjà déclaré que c’était soit l’un, soit l’autre, mais pas les deux à la fois ! On peut également se poser la question du pouvoir réel du lobby pro-russe en Ukraine. Le tout dans la perspective des élections présidentielles de 2015, que Ianoukovytch espère bien de nouveau gagner.  

Réponse les 28 et 29 Novembre à Vilnius/Litexpo.   




vendredi 23 août 2013

Le jour où se tenir par la main a changé le monde


Le 23 Août 1989, en pleine occupation soviétique, deux millions d’Estoniens, Lettons et Lituaniens se sont donné la main sur plus de 600 km, entre Vilnius et Tallinn via Riga. Le but de cette chaîne humaine (en Estonien Balti kett, en Letton Baltijas ceļš et en Lituanien Baltijos kelias) était d’attirer l’attention du monde sur le Pacte Molotov – Ribbentrop du 23 Août 1939 par lequel les deux puissances totalitaires du XXe siècle, l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, s’étaient partagé l’Europe de l’Est. 



Tout avait commencé le 23 Août 1986 où le « Black Ribbon Day », destiné à attirer l’attention sur les violations des droits de l’homme, s’était tenu dans 21 villes de par le monde. En 1987, on comptait 36 villes dont Vilnius, Riga et Tallinn. En 1988, pour la première fois, les autorités occupantes ne procédèrent pas à des arrestations. Ce qui encouragea les organisateurs baltes, Rahvarinen en Estonie, le Front Populaire de Lettonie et Sajūdis en Lituanie de frapper un grand coup pour le 50ème anniversaire du Pacte Molotov – Ribbentrop. Mais que l'on s'imagine les trésors d'ingéniosité qu'il a fallu déployer pour organiser un tel événement au nez et à la barbe des occupants soviétiques !  

Le Pacte Molotov – Ribbentrop (officiellement « Traité de non-agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique ») contenait en effet des protocoles secrets, qui partageaient la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Roumanie, tous Etats souverains, entre les deux « zones d’influence » de l’Allemagne nazie et de l’URSS. C’est conformément à ces protocoles que l’Allemagne put envahir la Pologne par l’ouest dès le 1er Septembre 1939, puis l’URSS le faire par l’est le 17 Septembre. C’est tout aussi conjointement qu’à la mi-juin 1940, pendant que l’Allemagne, tranquille à l’est, envahissait la France, l’URSS put occuper et annexer les Etats baltes, la Bessarabie et le nord de la Bukovine.



Le texte du Traité et des protocoles secrets, sauvés sur microfilms, n’apparurent officiellement  qu’à la fin de 1947, mais les autorités soviétiques nièrent ces dernier jusqu’en 1989. Staline fit même publier en 1948  « Les falsificateurs de l’histoire », livre dans lequel il prétendait qu’au contraire il s’était opposé à Hitler à propos de ce découpage de l’Europe et dans lequel il dénonçait dans les accords de Munich de 1938 un complot pour agresser l’Union soviétique.

Et c’est justement cette « Voie balte » qui permit que l’Union soviétique change sa politique de négation vis-à-vis de l’existence des protocoles secrets. Car la presse occidentale se fit l’écho de cette manifestation qui témoignait d’un problème, non seulement politique, mais aussi moral, que des Baltes solidaires (environ ¼ de toute la population des trois Etats) avaient exprimé pacifiquement. Suite à cette chaîne, Mikhaïl Gorbatchev donna l’ordre à Alexander Yakovlev d’enquêter sur l’existence des protocoles. En Décembre 1989, la commission concluait à l’existence des protocoles, mais il fallut encore attendre début 1993 pour que la copie de la version russe soit publiée dans un journal scientifique.



Depuis 2009, le 23 Août est officiellement le Jour du souvenir des victimes du stalinisme et du nazisme dans l’Union Européenne. Quelqu’un s’en est-il soucié en France aujourd’hui ?

En 2009 également, la Voie Balte fut inscrite au registre de l’UNESCO « Mémoire du Monde » en tant que « manifestation unique et pacifique qui a uni les trois pays dans leur marche pour la liberté ».




jeudi 22 août 2013

Dates de création et d’indépendance des ex-Républiques d’URSS


Certains auteurs, et non des moindres, datent le retour à l’indépendance des Etats baltes de l’échec du putsch d’Août 1991 à Moscou. Certains parlent même d’indépendance, tout simplement. Deux erreurs autour desquelles j’en profite pour parler de la formation de l’URSS et de son éclatement.  

L’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (Союз Советских Социалистических Республик, en abrégé le sigle СССР, bien connu des sportifs de l’époque) est un Etat totalitaire qui, formellement, a existé du 30 Décembre 1922 au 26 Décembre 1991. Après la deuxième guerre mondiale, il était constitué de 14 Républiques Socialistes Soviétiques (RSS) sous la coupe d’une quinzième, la République Socialiste Fédérative Soviétique (RSFS) de Russie.



A début, après la dissolution de l’Empire russe de 1917, fut le Traité d’Union du 22 Décembre 1922, ratifié le 30 Décembre 1922, regroupant la RSFS de Russie, la RSFS de Transcaucasie (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan), la RSS d’Ukraine et la RSS de Biélorussie.

Par la Troisième Constitution de l’Union Soviétique du 5 Décembre 1936, dite Constitution Staline, la RSFS de Transcaucasie disparaissait et laissait place aux RSS d’Arménie, d’Azerbaïdjan et de Géorgie, et les RSS de Turkménie, Ouzbékie, Tadjikie, Kazakhie et Kirghizie étaient créées, « sur la base de l’Union librement consentie » (sic).

La RSS de Moldavie est créée le 2 Août 1940, conformément au Pacte Molotov-Ribbentrop du 23 Août 1939, et suite à un ultimatum adressé à la Roumanie le 26 Juin 1940. 

L’histoire des Etats baltes est sans doute mieux connue des lecteurs de ce blog. On se souvient que les trois Républiques d’Estonie, de Lettonie et de Lituanie avaient été indépendante de 1918 à 1940, indépendance reconnue par la Russie soviétique. Etats souverains envahis dans la nuit du 16 au 17 Juin 1940, conformément au Pacte Molotov-Ribbentrop, puis illégalement annexés, ils sont incorporés à l’URSS après une sinistre comédie d’ « élections » et de « demandes spontanées » pour rejoindre l’Union (Lituanie : 3 Août 1940, Lettonie : 4 Août 1940, Estonie : 6 Août 1940).


C’est la Lituanie qui donnera le coup d’envoi de l’éclatement de l’URSS en proclamant le rétablissement de son indépendance le 11 Mars 1990. Je voudrais faire à ce sujet deux remarques :

    # Il s’agit bien d’un rétablissement de l’indépendance. Lors de la restauration de souveraineté,  la Lituanie a d’ailleurs remis en vigueur sa Constitution du 1er Août 1922, afin de bien marquer la continuité de l’Etat lituanien et l’illégalité de l’occupation. Par contre, et encore aujourd’hui, la Russie parle de nouvelle indépendance, indiquant par là qu’elle ne reconnaissait pas qu’il y ait eu occupation.

    # Dire ou écrire que le retour à l’indépendance de la Lituanie a eu lieu après le putsch d’Août 1991 est un contre-sens. C’est un peu comme si on disait que l’indépendance de la France date du 8 Mai 1945. La différence en Lituanie, c’est que l’occupation n’a pas duré 4 ans mais 50 ! Même si elle a continué d’être occupée militairement après le 11 Mars 1990, la Lituanie s’était alors donné les instruments d’un Etat souverain.


La Lettonie, elle, proclamera le rétablissement de son indépendance le 4 Mai 1990, mais, plus prudente que la Lituanie, elle l’assortira d’une période de transition. Le 21 Août 1991 (voir mon post du 20 Août : http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2013/08/19-22-aout-1991-letrange-putsch-de.html) , le Parlement votera la fin de la période transitoire. L’Estonie, encore plus prudente, annonce qu’elle va entamer une phase transitoire destinée à préparer l’indépendance, sans donc déclarer celle-ci d’une façon abrupte. Le soviet suprême estonien ne proclamera l’indépendance formelle que le 20 Août 1991

Dates des déclarations formelles d’indépendance des autres Républiques d’URSS :
9 Avril 1991 :               Géorgie
24 Août 1991 :             Ukraine
25 Août 1991 :             Biélorussie (qui deviendra en Septembre le Bélarus)
27 Août 1991 :             Moldavie
30 Août 1991 :             Azerbaïdjan
31 Août 1991 :             Kirghizistan
                                   Ouzbékistan
9 Septembre 1991 :      Tadjikistan
23 Septembre 1991 :    Arménie
27 Octobre 1991 :        Turkménistan
16 Décembre 1991 :      Kazakhstan


mardi 20 août 2013

19 – 22 Août 1991 : l’étrange putsch de Moscou

Les putschistes du Comité d'Etat pour l'état d'urgence

Le 19 Août 1991, alors que Mikhaïl Gorbatchev, Secrétaire général du Parti Communiste et Président de l’URSS, est en vacances près de Yalta en Crimée, un « Comité d’Etat pour l’état d’urgence » (Государственный Комитет по Чрезвычайному Положению – dénommé plus loin le Comité),  annonce que Gorbatchev est malade et qu’il a été soulagé de ses fonctions de Président. L’agence TASS annonce que le Vice-président de l’URSS, Guennadi Ianaïev, avait pris en charge ses fonctions.

Le Comité est composé de 8 membres, tous des proches de Gorbatchev, notamment,  outre le Vice-président Ianaïev, le Premier Ministre (Valentin Pavlov), le Ministre de la Défense (Maréchal Dmitri Jazov), le Ministre de l’intérieur (Boris Pougo) et le Chef du KGB (Vladimir Krioutchkov). A priori des hommes d’expérience, mais qui vont faire preuve d’amateurisme.

Première incohérence : Gorbatchev conserve son poste de Secrétaire général du PC d’Union soviétique donc, légalement, le contrôle du Parti, de l’Armée et du KGB !

La date choisie pour le putsch n’est apparemment pas un hasard puisque le lendemain, 20 Août, devait être signe le Traité établissant l’Union des Républiques Souveraines (Сою́з Сувере́нных Госуда́рств), traité donnant une plus large autonomie aux Républiques constituantes que le traité de 1922 instituant l’URSS (Les 3 Etats baltes, l’Arménie, la Géorgie et la Moldavie refusaient toutefois de signer). Ce coup d’Etat est donc généralement analysé comme une réaction des conservateurs dont les intérêts étaient menacés : Armée, KGB, Intérieur, complexe militaro-industriel, etc…… Leur priorité est le maintien de l’URSS dans ses frontières et l’arrêt des séparatismes périphériques (Ils semblent d’ailleurs à l’origine de la « normalisation » sanglante de Janvier 1991 à Vilnius et à Riga).

En face des putschistes, il y a Boris Eltsine, le Président élu (le 12 Juin 1991) démocratiquement de la Russie (la plus grande des Républiques soviétiques), dirigeant la résistance depuis la « Maison blanche », le Parlement russe. Il peut se targuer du support d’au minimum 50 % de l’Armée qui a voté pour lui le 12 Juin.
Deuxième incohérence : le Comité a rétabli la censure, ne laissant émettre que la Première chaîne publique de télévision ; mais, le 19 Août, il laisse passer des images d’Eltsine fraternisant avec les tankistes ; Eltsine qui a totale liberté de mouvement et d’expression. De même, les lignes téléphoniques de la Maison Blanche, où sont installés les journalistes, ne sont pas coupées, et les journalistes peuvent communiquer avec les Occidentaux.

Boris Eltsine sur un char devant la Maison Blanche

D’importantes manifestations contre les putschistes ont lieu à Moscou et à Leningrad (nom de Saint-Pétersbourg à l’époque) à partir du 19 Août après-midi. C’est au cours d’une de ces manifestations que l’image de Boris Eltsine debout sur un blindé fera le tour du monde et deviendra le symbole de ce coup d’Etat, renforçant la position d’Eltsine.

Finalement, le 21 Août 1991, à 1 heure du matin, les rares troupes fidèles aux putschistes sont bloquées sous un tunnel par un barrage de trolleybus et de camions poubelles ! La majorité des troupes envoyées contre les manifestants anti-putschistes rejoignent ceux-ci ou font défection.

Troisième incohérence : Comment expliquer la « surprise » de ces défections, alors que, parmi les putschistes, il y a le Ministre de la défense, le Ministre de l’Intérieur et le Chef du KGB !? Alors qu’ils savaient qu’aux élections présidentielles russes 70 % des Officiers supérieurs et 90 % des Officiers subalternes avaient voté pour les démocrates (chiffres cités par les services du Premier Ministre français).
Le putsch est donc un échec et Gorbatchev rentre à Moscou le 22 Août tôt le matin avec les putschistes qui étaient allés en Crimée lui demander sa démission. Ces derniers sont arrêtés à leur descente d’avion.

Mikhaïl Gorbatchev à sa descente d'avion le 22 Août

Dans une interview de 2011, l’écrivain Vladimir Fedorovski, à l’époque porte-parole du mouvement des réformes démocratiques affirme que le mouvement aurait été prévenu de l’imminence du putsch par un mystérieux personnel du KGB, et que le mouvement aurait prévenu Eltsine, Gorbatchev et même les Américains.

En outre, et c’est là peut-être le plus important, les Occidentaux, par la voix du G7, accordent le 21 Novembre 1991 un report de paiement des intérêts de la dette publique soviétique et octroient de nouveaux crédits à M. Gorbatchev. Car, après avoir eu peur de le voir évincé, on ne saurait lui refuser quoi que ce soit ! Mais en pure perte car l’Union soviétique mourra quelques jours plus tard.


Alors, ce « putsch » n’a-t-il été qu’une vaste comédie ? On le saura sans doute un jour……       







    

dimanche 18 août 2013

Lituanie : l'histoire de la Colline des Croix


Dans mon précédent post, j’évoquais la Colline des Croix à 12 km au nord de Šiauliai, haut-lieu de la nation lituanienne (http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2013/08/la-police-du-ciel-dans-les-etats-baltes.html ). Quand je vois ce qu’il en est dit sur Wikipedia (« Les premières croix ont été posées sur la colline fortifiée au xive siècle »), je pense qu’il n’est pas inutile de rappeler l’histoire de cette colline.

Faisons tout de suite un sort à celui qui s’auto-baptise « un des meilleurs connaisseurs des Pays baltes » ! Non, les premières croix n’ont pas été érigées par les Lituaniens après la bataille de Saulė (qui, au passage, n’a vraisemblablement pas eu lieu près de Šiauliai) en 1236 ! Pour la simple raison qu’en 1236 les Lituaniens étaient païens et qu’ils n’ont été convertis au christianisme (du moins leurs chefs, à commencer par le Grand-duc Jogaila) qu’en 1386, avec une brève parenthèse opportuniste (1252 – 1260) sous Mindaugas.

A la vérité, sur cette colline de Jurgaičiai (Jurgaičių piliakalnio ) il n’y avait jusqu’au XIVe siècle qu’un château en bois qui participait à la défense du Grand-duché de Lituanie contre les incursions des Chevaliers livoniens, château qui fut brûlé en 1348.
 
La première mention écrite de la présence de croix sur cette colline date de 1850. Le trésorier du district de Šiauliai, Mauricijus Griškevičius, fait état d’un habitant de Jurgaičiai qui avait fait la promesse à Dieu en 1847 de mettre des croix sur la colline s’il survivait à une grave maladie. Il est vraisemblable toutefois que les premières croix aient été placées après l’insurrection de 1831 par les proches des victimes, les autorités russes tsaristes n’ayant pas permis que celles-ci aient une sépulture décente. Puis les croix devinrent plus nombreuses après la seconde insurrection de 1863.



A la fin du XIXe siècle, la colline était déjà un lieu sacré réputé. Le premier comptage des croix eut lieu en 1900 et on dénombra alors 130 croix ; en 1938, il y en avait 400.

Sous l’occupation soviétique, la Colline des Croix prit une importance particulière, devenant le symbole de la résistance au régime. En 1960 il y avait plus de 2 000 croix, aussi le gouvernement soviétique, considérant le lieu comme hostile, détruisit les croix en 1961 et planta à la place des arbres décoratifs. A plusieurs reprises, la colline fut rasée par les bulldozers, notamment en 1973, 1974 et 1976, et le site était gardé par l’armée soviétique et le KGB. En 1978 et 1979 il eut même des tentatives pour construire un barrage afin d’inonder le site. Mais, à chaque fois, les Lituaniens réussissaient à revenir et chaque année, environ 500 croix devaient être détruites par l’occupant. 



Ce n’est qu’à partir de 1985 que la Colline des Croix fut laissée en paix et, après le retour de la Lituanie à l’indépendance, elle gagna une réputation désormais mondiale. A l’époque, des volontaires de Šiauliai comptèrent 14 387 grandes croix. Il est aujourd’hui impossible de dire combien de millions de croix de toutes tailles il y a sur le site, des centaines s’ajoutant quotidiennement.

Le Pape Jean-Paul II visita la Colline des Croix le 7 Septembre 1993 et fit don d’une croix haute de 3,80 mètres que l’on peut voir à l’entrée du site.



Témoignage personnel. J’ai emmené plusieurs fois des groupes à la Colline des Croix. La première réaction, que j’avais personnellement eue lors de ma première visite, est de trouver que la colline était petite. Mais, après leur avoir expliqué le pourquoi et le comment de cette colline, je laissais mes touristes visiter seuls le site. Je dois dire que tous sans exception, y compris les « esprits forts », reconnaissaient que ça faisait réfléchir. Personnellement, ce que je trouve le plus remarquable, c’est que le site est ouvert à tous les vents mais que personne, au grand jamais personne, n’aurait l’idée de toucher aux médailles, chapelets, voire pièces de monnaie, et bien sûr croix de toutes tailles déposées là. En Lituanie, on a encore apparemment le sens des valeurs.